LA RUPTURE CONVENTIONNELLE INDIVIDUELLE
Distincte de la démission et du licenciement, la rupture conventionnelle individuelle permet à l’employeur et au salarié de rompre d’un commun accord le contrat de travail à durée indéterminée. Elle a été créée par la loi du 25/06/2008 reprenant l’accord national interprofessionnel « sur la modernisation du marché du travail ».
Dans un arrêt du 15/10/2014, la Cour de cassation a consacré le caractère exclusif de la rupture conventionnelle pour toute rupture d’un commun accord du contrat de travail. Désormais, sauf dispositions légales contraires, dès lors que les parties envisagent de rompre d’un commun accord le CDI qui les lie, elles doivent le faire dans le cadre de la rupture conventionnelle homologuée. A défaut, la rupture sera considérée comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse(1).
- Conditions de la rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle est négociée entre l’employeur et le salarié et ne peut être imposée par l’un ou par l’autre (art. L.1237-1 C.trav.). Elle ne concerne que les CDI.
Dans un arrêt du 03/07/2013(2), la Cour de cassation a admis la validité d’une rupture conventionnelle alors même qu’il existait un différend entre les parties, ce qui n’est pas le cas dans un contexte de harcèlement moral du salarié.
En revanche, contrairement à la circulaire DGT du 17/03/2009 selon laquelle la rupture conventionnelle ne pouvait être conclue pendant les suspensions du contrat de travail ouvrant droit à une protection particulière (arrêt de travail pour maladie professionnelle, accident du travail, congé de maternité, inaptitude), la Cour de cassation a récemment admis sa validité pendant un arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail, ou pour congé maternité dès lors que la procédure avait été respectée et qu’il n’y avait ni fraude, ni vice du consentement (pressions exercées sur le salarié par exemple).
A contrario, la rupture conventionnelle n’est pas admise en cas (art.L.1237-16 C.trav.) :
– de tentative de contournement de licenciement économique,
– d’accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC),
– de plans de sauvegarde de l’emploi,
– d’accord collectif portant rupture conventionnelle collective (voir fiche « La rupture conventionnelle collective »).
La rupture conventionnelle fait l’objet d’une procédure précise afin de protéger les droits des parties et garantir leur libre consentement, notamment celui du salarié :
– accord préalable par la signature de la convention,
– homologation de l’accord par l’autorité administrative (DIRECCTE- Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi),
– indemnisation du salarié.
- Signature de l’accord de rupture
La rupture conventionnelle fait l’objet d’un accord signé par les parties au contrat. Cet accord précise les modalités de la rupture du CDI qui auront été négociées lors d’entretiens entre le salarié et son employeur. Il convient d’établir un exemplaire pour chaque partie.
Le Code du travail prévoit la réalisation d’au moins un entretien préalable entre les parties. A défaut d’entretien, la rupture conventionnelle est nulle(3) (art. L.1237-12 C.trav.).
Lors de cet entretien, le salarié peut être assisté ou non par :
– un salarié de l’entreprise, librement choisi,
– un conseiller du salarié choisi sur une liste disponible en mairie s’il n’existe pas de salarié membre d’une institution représentative du personnel (IRP) dans son entreprise.
Si le salarié est assisté, et seulement dans ce cas, l’employeur peut également être assisté par une personne appartenant au personnel de l’entreprise. dans les entreprises de moins de 50 salariés, il peut aussi se faire assister par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche d’activité.
L’employeur doit alors en informer le salarié. Aucune des deux parties ne peut être représentée par un avocat.
- Le contenu de la convention
La convention de rupture définit les modalités dont notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement ou conventionnelle si elle est plus avantageuse pour le salarié), ou encore la date de la rupture du contrat (qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation (art. L.1237-13 C.trav.).
- Le droit de rétractation
Le salarié, comme l’employeur, dispose d’un délai de rétractation fixé à 15 jours calendaires à compter du jour de la signature de l’accord. Pour calculer ce délai il faut décompter tous les jours de la semaine.
Si vous souhaitez revenir sur votre décision, notifiez-le à votre employeur par lettre recommandée avec accusé de réception. C’est la date d’envoi de ce courrier qu’il faut retenir pour s’assurer du respect du délai de rétractation(4). Vous n’avez pas à motiver votre décision.
En cas de rétractation par l’une ou l’autre des parties, la convention est annulée et le contrat de travail continue de s’exécuter normalement.
- L’homologation de la rupture conventionnelle
A l’expiration du délai de rétractation et l’accord de rupture conventionnelle doit être adressé à l’autorité administrative (DIRECCTE) par le salarié ou l’employeur.
L’autorité administrative vérifie que l’accord respecte le cadre législatif et la liberté du consentement des parties. Elle dispose de 15 jours ouvrables (on décompte tous les jours sauf les dimanches et les jours fériés) à compter de la réception de la demande d’homologation pour valider ou non l’accord.
A défaut de réponse dans ce délai, l’homologation est acquise (art. L.1237-14).
En revanche, si elle refuse l’homologation dans ce délai, la convention est nulle, le contrat se poursuit.
- Quelle indemnité de rupture conventionnelle ?
Elle est librement négociée entre le salarié et l’employeur. Elle ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement ou à l’indemnité conventionnelle si elle est plus élevée. Le calcul se fait, comme pour une indemnité de licenciement, sur un salaire de référence calculé selon les salaires des 3 ou 12 derniers mois, on choisit la formule la plus intéressante pour le salarié.
Les salariés dont le contrat de travail aura été rompu par une rupture conventionnelle peuvent prétendre aux allocations d’assurance chômage dans les conditions de droit commun.
- Les ruptures conventionnelles litigieuses
En cas de litige en matière de rupture conventionnelle, saisissez le conseil des prud’hommes dans le délai de 12 mois à compter de la date de l’homologation (art. L.1237-14 C.trav.).
- Cas des salariés protégés
Il n’est possible de signer une rupture conventionnelle avec un salarié protégé qu’à la condition d’avoir obtenu l’autorisation de l’inspection du travail. Dans ce cas, la convention ne sera pas, en plus soumise à l’homologation administrative.
En revanche, la demande d’autorisation ne sera transmise à l’inspection du travail qu’à l’issue du délai de 15 jours de rétractation. La rupture du contrat ne pourra intervenir au plus tôt que le lendemain du jour de cette autorisation (art. L.1237-15 C.trav.).
En cas de recours contre la décision de l’inspecteur du travail c’est le droit commun qui s’applique : recours gracieux ou hiérarchique, recours contentieux devant le juge administratif (et non le conseil de prud’hommes).
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Pour aller plus loin :
– art. L. 1237-11 C.trav. : rupture conventionnelle
– art. L. 1237-12 C.trav.: entretien préalable
– art. L. 1237-14 C.trav : homologation par l’administration
– art. L. 1237-15 C.trav : salariés protégés
– art. L. 1237-16 C.trav : cas de ruptures de contrat exclus de la rupture conventionnelle
(1) Cass.soc. 15.10.14, n° 11-22251.
(2) Cass.soc. 03.07.13, n° 12-19268.
(3) Cass.soc. 01.12.16, n° 15-21.609.
(4) Cass.soc. 14.02.18, n°17-10035.